Jésus dit
L'a-t-il dit ?
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Tout le problème se résume en un seul point : Jésus disait mais n'écrivait pas. Ou, s'il écrivait, ses écrits, tout sacrés qu'il fussent, ne nous sont pas parvenus. Nous ne pouvons donc nous appuyer que sur des témoignages, des retranscriptions de témoignages, des traductions, des citations, des interprétations. Nous savons ce que témoignages valent ! Chacun ne peut voir que ce qu'il peut recevoir, comprendre.

Jésus parlait, il enseignait les foules. Quelques-uns sans doute prenaient des notes, mémorisaient des éléments du discours. Problème, hier comme aujourd'hui, on note l'anecdote, l'incident, peut-être l'exemple frappant qui peut éclairer ; on ne note pas le développement, la démonstration ; on note seulement ce que l'on a compris, ce qui nous a étonnés, ce en quoi nous sommes d'accord ou en opposition formelle. Jésus agissait. Là aussi, chaque témoin pouvait mémoriser l'évènement, chacun selon ce qu'il avait vu, entendu, compris, admis ou refusé, c'est à dire tout et son contraire. Une petite communauté s'était constituée autour de Jésus, de petites gens, des gens de pas grand chose. On pouvait reprendre ses notes, réfléchir, réagir, partager ; parce qu'il s'agit de petites gens, on réagit sur l'évènement, l'image, plus que sur la théorie ; il faut être concret. Aussi Jésus -il fait aussi partie de ces petites gens- raconte-t-il des anecdotes, invente-t-il des images, qui explicitent son discours, qui éclairent sa propre perception de ce qu'il enseigne, la foi de ses paires. Il n'enseigne pas le travail du bois, la peinture ni la musique. Il est Juif, il enseigne dans le Temple. Il parle, explique, commente ce qui est l'élément essentiel pour le peuple juif : les textes sacrés qui régissent leur vie dans le moindre détail. Ce type de communauté n'était pas unique.  Comme aujourd'hui, coexistaient des intégristes (les saducéens, aux commandes), des pratiquants (les pharisiens), des croyants retirés du monde (les esseniens) ou en recherche autour de Jean le baptiste et d'autres. Certains groupes étaient politiquement particulièrement actifs, menaient des actions que nous considérerions aujourd'hui d'actes de résistance ou de terrorisme.

Contrairement aux espérances des saducéens et des pharisiens, la mort de Jésus n'a pas entraîné la disparition de sa petite communauté, bien au contraire !  Convaincus de sa résurrection, ses membres proclament que Jésus est vivant. Les premiers écrits qui nous soient parvenus, datés des années 30 à 70, bien avant de nous rapporter les paroles de Jésus, nous parlent des origines de ces communautés, de leurs modes de fonctionnement, de leurs interrogations. Ils sont largement dominés par les enseignements de Paul, dont l'expression, bien que controversée à son époque même, a largement influencé les orientations des églises naissantes. Les premiers témoins directs, diciples de la première heure, se voient quant à eux réserver la portion congrue, les épitres de Jacques, Pierre, Jean ou Jude.

Les premiers recueils qui relatent la vie et les actes de Jésus, les évangiles, remontent aux années 70 - 100. Rédigés en grec, ils reprennent et mettent en forme des traditions de provenances diverses. Au cours des premiers siècles, certains ont été retirés ou ajoutés, revisités voire « améliorés » Ce n'est donc pas à proprement parler ce que « Jésus à dit », mais ce que des témoins et des témoins de témoins ont compris et dit. La mise en forme de ces témoignages n'est d'ailleurs pas terminée, deux mille ans après les faits. La réflexion se poursuit, la compréhension se modifie suivant l'environnement ou les intérêts linguistiques, culturels, sociologiques ou politiques de chacun. Il suffit de lire ne serait-ce qu'un chapitre d'un évangile quelconque, dans ses différentes traductions, pour se rendre compte des marges d'interprétation possibles. Pour mémoire, Jésus parlait (vraisemblablement) araméen, les textes qui nous sont parvenus sont rédigés en grec ancien. La traduction même qui devrait faire référence, la TOB (Traduction Oecuménique de la Bible), existe en plusieurs versions.  

« Jésus à dit », donc, dans une interprétation toute personnelle.



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