L'Evangile au risque de la psychanalyse, tome 1
L'Evangile au risque de la psychanalyse, tome 2



La suite de la psychanalyse des évangiles au travers du filtre de la psychanalyse.

Françoise DOLTO nous donne une interprétation de quelques textes, essentiellement de Luc. Malheureusement, ceux-ci ne sont pas mis en perspective, resitués dans leur contexte historique. Françoise DOLTO reste dans la démarche classique d'une relecture, d'une réécriture des textes à sa sauce personnelle, sans se demander si ce qui nous est dit, décrit, correspond à la réalité de la vie de Jésus, ou est déjà une réécriture oportuniste de ce qui a réellement été vécu.

« Jésus enseigne le désir et y entraîne »... écrivait Françoise Dolto dans L'Evangile au risque de la psychanalyse, T1. Dans ce deuxième livre, Françoise Dolto nous fait part, d'une manière plus méthodique, de cette découverte qui résonne continûment en elle : Jésus entraîne au désir et non à une morale. Elle nous montre la découverte du désir et son angoisse, la vie du désir et ses éclats de rire, la palpitation du désir et ses tâtonnements, la marche du désir et les confins de la loi... et, avec Jésus-Christ ressuscité, éveillé à une vie autre, Françoise Dolto nous montre la vie du désir qui frémit toujours par-delà les frontières de la mort. Mais, qu'est-ce qu'un désir, toujours présent, toujours ailleurs... jamais atteint ?

Transition

Auteur(s) :

Françoise DOLTO, Gérard SÉVÉRIN
Françoise DOLTO est née MARETTE à PARIS le 6 novembre 1908. Elle décéda le 25 aoùt 1988. Médecin pédiatre et psychanaliste, elle fut l'auteure de nombreux ouvrages (voir http://www.francoise-dolto.com)

Références bibliographiques :

Editions du Seuil, 1982, 192 p.

Transition

Extraits :

Pages 7 - 11

Préface

« Jésus enseigne le désir et y entraîne »… écrivait Françoise Dolto dans L'Évangile au risque de la psychanalyse, tome I.
Dans ce deuxième livre, Françoise Dolto nous fait part, d'une manière plus méthodique, de cette découverte qui résonne continûment en elle: Jésus entraîne au désir et non à une morale.
Elle nous montre la découverte du désir et son angoisse, la vie du désir et ses éclats de rire, la palpitation du désir et ses tâtonnements, la marche du désir et les confins de la loi... et, avec Jésus-Christ ressuscité, éveillé à une vie autre, Françoise Dolto nous montre la vie du désir qui frémit toujours par-delà les frontières de la mort.
Mais, qu'est-ce qu'un désir, toujours présent, toujours ailleurs... jamais atteint ?
Connaissez-vous le jeu du « pousse-pousse » ? Le pousse-pousse est un rectangle dans lequel figurent les lettres de l'alphabet inscrites sur de petits carrés mobiles. L'ensemble revêt l'aspect des mots croisés. Mais il y a un vide, il y a un carré vide, sans lettre, un trou, une absence, un manque de lettre, un manque de carré.
Grâce à ce vide, à ce manque, on peut bouger les autres lettres, une à une et ainsi former des mots. Grâce à ce vide, ça fonctionne. Tout le jeu du pousse-pousse fonctionne autour de ce manque.
Il en est de même pour nous. Nous avons un vide, un manque qui appelle. Un manque qu'il nous faut combler mais qui, une fois comblé, est ailleurs, toujours ailleurs. Comme dans le jeu du pousse-pousse, quand nous déplaçons une lettre vers l'espace vide, celui-ci est ailleurs. 
Tantôt appelé besoin, tantôt appelé désir, nous essayons de le combler... ce manque.
Qu'est-ce qu'un besoin ? Le plus fondamental est celui de respirer: N'est-il pas le premier. besoin qui se manifeste a notre naissance ? On a besoin d air. A chaque seconde, ce besoin se fait sentir. Si ce besoin est comblé, nous voilà satisfaits. S'il ne peut être contenté, l'angoisse surgit car se profile la mort.
Un autre besoin moins immédiat que celui de respirer est le besoin de manger. Nous avons besoin d'un objet, le pain, par exemple, pour apaiser notre faim, pour satisfaire notre besoin de manger, pour emplir ce trou, ce « creux » de l'estomac.
Mais, bien vite, en plus du pain, nous avons envie de bonne chère, de vin, d'une certaine ordonnance du repas, d'une certaine présence, de conversations, nous « désirons » une « convivialité » : une communication avec d'autres autour de la table.
Nous passons, vous le voyez, de la consommation à la communion. Nous passons du besoin de manger au désir de communiquer.
Le besoin nous met en relation avec un objet prometteur de plaisir et autre que nous.
Quand le besoin apparaît incapable de combler une vie, nous mine alors la dépression... car le désir et son abîme se découvrent, mais nous ne percevons pas ce désir et son gouffre, trop démunis et aveuglés que nous sommes encore pour un temps.
Le désir est une rencontre inter-psychique avec un autre. C'est une dynamique, un élan. une source qui nous pousse dans la vie, à la recherche des autres qui nous appellent aussi. Ce n'est jamais fini.
Hélas, parfois aussi cet élan vers le manque à combler, manque toujours autre ou toujours ailleurs, peut retomber dans une espèce de bégaiement ou de répétition...
Nous reproduisons toujours les mêmes gestes pour éviter d'inventer autre chose et d'approfondir le sens de notre vie. Machine à répétition, à play-back, nous « comblons » ainsi notre vide.
Par peur du gouffre et de son vertige, nous faisons des redites. Echo d'une trouvaille ou d'une aventure qui fut unique et naguère passionnante, notre rengaine d'aujourd'hui radote nos batailles, notre souffrance et nos joies d'hier.
Au lieu de parler « juste », nous discourons, nous bavardons « pour ne rien dire ». Au lieu d'être inventifs, créateurs, nous nous en tenons à ce qui a fait ses preuves. Au lieu d'être attentifs, par exemple, à l'éveil de nos enfants, nous préférons parler d'eux ou assister à des réunions, des meetings, à des symposiums, à des travaux qui préparent leur avenir ou... l'avenir des enfants des autres ! Nous savons ainsi des choses sur eux mais rien de ce qui, de leur vie, interroge la nôtre.
Toutes ces activités nous « dispensent » d'éprouver le manque qui nous constitue : « on ne manque de rien ! » (1).
Oui, ce qui, du désir, se répète choit dans le besoin: on a alors besoin, par exemple, de réunions comme on a besoin de mangeaille !
Ce qui ne veut pas dire que les habitudes, les recommencements, les reprises ne peuvent être des occasions de renouvellements.
Ils sont changement ou renouveau si le désir anime ces habitudes... si ces habitudes sont canaux ou barrages qui forcent le désir à s'approfondir, à s'obstiner, à grandir... Le poète ne l'a-t-il pas compris qui dit :
« Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse et le repolissez... »
Le désir, qu'il s'exprime dans de perpétuelles innovations ou qu'il sourde d'habitudes ou de traditions, est toujours nouveau, toujours plus profond, toujours ailleurs.
Le désir c'est l'élan vers l'indescriptible qui est toujours hors de portée, qui est toujours manquant... Il nous fait vivre dans l'inachèvement et la contradiction.
L'inachèvement et la contradiction font partie de notre humaine condition. Peu rassurants, ils nous invitent à vivre dans « l'écart », dans la, faille, dans la faim, dans un état de manque. Ni tare, ni maladie, ni péché, c'est notre manière d'être, elle fait « vibrer la note de l'Absolu au cœur de l'éphémère et de l'incertain », comme l'écrit René Gaillard.
Le désir ne serait-il pas spirituel ?
Être riche de l'autre, que je désire, est impossible, appréhender l'autre est illusion. L'autre toujours échappe : son altérité est radicale. L'autre est insaisissable. Fondamentalement autre.
Pour nous satisfaire pendant un long temps, l'autre est inutilisable !
Rien ni personne ne peut contenter le désir.
Toujours le désir nous stimule à aller plus loin, à aller, comme l'enfant prodigue, toujours au-delà des jouissances auxquelles nous pensons être appelés...
Dans ce livre, nous exposons l'esquisse de la manière dont, dans les Évangiles, « Jésus enseigne le désir et y entraîne ».
Gérard Sévérin

(1) Le temps du désir, Denis Vasse, Seuil. Ce petit livre est passionnant.

Pages 7 à 11

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