Couverture : Judas
Judas




Judas, le maudit, le cupide, le traitre, celui qui à livré (vendu) le Christ ? Judas, le saint qui a permis la rédemption, le rachat de l'humanité par la mort et la résurrection du Christ ? Judas, en tant qu'homme, a-t-il réellement existé ? Ou symbolise-t-il le judaïsme, considéré comme responsable de la mort du Christ ?

Qui est Judas ?
Disciple et traître, cupide et voleur, Judas, le traître parmi les traîtres, est l'une des figures les plus troublantes et les plus fascinantes de notre histoire: son prénom n'est-il pas devenu un nom commun, et son baiser, une expression proverbiale ?

Figure du bouc émissaire, archétype du « Juif cupide et félon », Judas est aussi l'ami traître de Jésus, son complice et son double. Car la traîtrise est nécessaire, faute bienheureuse qui permet la rédemption et fait jaillir la lumière.

Héros romanesque, emblème tragique de la faiblesse humaine, le père de toutes les trahisons n'en finit pas de nous perturber. Peut-être parce que, dans le fond, Judas vibre en chacun de nous...

Avec Olivier Abel, Jean Collet, Jean Lambert, Marie- Geneviève Lambert-Chartier, Mark Rogin Anspach.

Cet ouvrage a été dirigé par Catherine Soullard.

Judas, au travers du regard et de l'analyse de différents auteurs. Un petit opus qui se lit facilement, pour peu que l'on fréquente une bonne bibliothèque -inutile de le chercher même chez son éditeur- et que l'on s'intéresse à ce genre de sujets...


Transition

Auteur(s) :

Catherine SOULLARD, Olivier ABEL, Marie-Geneviève LAMBERT-CHARTIER, Jean COLLET, Jean LAMBERT, Mark ROGIN ANSPACH

Références bibliographiques :

Autrement, Figures muthiques, 1999, 176 p.

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Extrait :

Page 123
Traître à sa classe, à sa famille, à son peuple, à sa religion, il (Jésus) fuit selon sa ligne qu'il nomme la volonté de son Père. Il y a toujours de la trahison dans une ligne de fuite. Pas à la manière d'un homme d'ordre qui ménage son avenir, mais à la façon d'un homme simple qui n'a plus de passé ni de futur. On trahit les puissances fixes qui veulent nous retenir, les puissances établies de la terre. Figure d'un héros sans qualité, sans petit secret, sans interprétation, sans intériorité cachée. Il ne transgresse rien, ne démontre rien, ne va pas contre les lois, les significations dominantes. Il va à côté, glisse, rend caducs tous les classements, toutes les façons de voir le monde et de penser. Il ne fait pas le contraire, il fait autre chose. Il propose une ligne de fuite: devenir le bâtard, le traître de soi-même.
(Jean LAMBERT - L'ami traître)

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Pages 134-135
Telle est donc la fonction de Loki. Bien sûr, cette fonction n'est explicitée nulle part, elle doit par définition rester entourée de mystère. Dire: « Rejetons la faute sur Loki même si ce n'est pas lui le coupable » ne serait pas très efficace. On préfère dire qu'il est coupable. On le dit parce qu'on le croit, et on le croit parce qu'on le dit. De cet état d'esprit, le mythe est le reflet fidèle. Il ne présente pas Loki comme le bouc émissaire des dieux. Loki n'est pas un bouc émissaire dans le sens du Lévitique, une créature à laquelle on fait endosser explicitement les péchés de la communauté lors d'un rite tenu au jour dit. C'est un bouc émissaire comme le définit René Girard : un être auquel on fait assumer une faute dont il n'est pas plus responsable que les autres, mais dont les autres croient qu'il l'est réellement. Il incarne d'autant mieux ce bouc émissaire que les autres ne le perçoivent pas comme tel. On ne l'appelle pas « bouc émissaire », mais « sorcier », « monstre », « esprit malin », on l'accuse d'être l'auteur de tous les maux, et on lui inflige un châtiment qu'on estime bien mérité. On pourrait même dire que les autres lui vouent ainsi une sorte de culte négatif, même si ce culte n'a rien de rituel au départ. C'est de manière spontanée, irréfléchie, impulsive, qu'ils l'accusent et s'élancent sur lui. L'être le plus impulsif qui soit, c'est bien cet être collectif - la foule - à la recherche d'une victime.

Et Judas dans tout cela ? Qu'en est-il de lui ? Après tout, Judas n'est pas la victime d'une foule. S'il joue un rôle de bouc émissaire, c'est dans un cadre un peu plus complexe. Mais, comme nous allons le voir, le rôle qu'endosse Loki dans le récit de son dernier caprice n'est pas tellement plus simple. Ici, Loki vainc son adversaire Baldr en déjouant un serment protecteur grâce à une plante insoupçonnable, exactement comme Judas dans le conte juif médiéval Toledôth Jeschu. À la différence près que, dans le mythe scandinave, l'adversaire deviendra le héros et Loki sera le traître.
(Mark ROGIN ANSPACH - Qui a tué le Seigneur ?)

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Pages 143-144
Il semble que Judas soit le seul dans cette scène à ne pas
En réalité, il faudrait plutôt se demander : comment auraient-ils pu ne pas reconnaître une personnalité aussi célèbre que Jésus ? Rappelons qu'on voulait l'arrêter précisément parce qu'on craignait sa trop grande popularité, son pouvoir d'attirer les foules. Ce n'était pas un homme qui travaillait dans l'ombre, c'était celui qu'une époque moins révérencieuse nommera Jésus Christ Superstar. Il n'y avait donc aucune raison de soudoyer un indicateur pour découvrir son identité. On le voyait enseigner tous les jours au Temple, comme le souligne Jésus lui-même au moment de son arrestation :
« Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir ! Chaque jour j'étais auprès de vous dans le Temple, à enseigner, et vous ne m'avez pas arrêté. » (Mc XIV, 48-49)
Les accusateurs n'ont pas voulu arrêter Jésus dans le Temple où la foule des Juifs auraient pu le protéger. Mais ils auraient pu facilement le suivre quand il quittait le Temple afin de l'arrêter loin de la foule, et ce sans recourir aux services d'un traître. En somme, si Judas rend service, ce n'est pas en livrant Jésus, mais en assumant la faute. C'est là le vrai sens du « signe convenu ». Le baiser ne sert nullement à identifier Jésus, il sert à identifier le responsable de sa chute :
« Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme ! »

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