Il
écouta un instant, puis
raccrocha. « Il s'est évadé
», dit-il, consterné.
Armançon
bondit : « Qui
est-ce qui m'a foutu une bande de cons pareils ! »
Stoïca
plissa le front. « Je
ne vois pas comment il a pu faire, dit-il. J'ai moi-même
choisi une cellule
individuelle, avec barreaux à la fenêtre et
caméra vidéo à l'intérieur.
-
Bon Dieu, martela Alain,
nous voilà à nouveau avec ce fou sanguinaire sur
les bras...
-
Non, dit Millaud. Il était
là pour récupérer ce qu'il
considérait comme son diamant. Maintenant qu'il l'a,
je ne crois pas que nous entendrons parler de lui.
-
Espérons-le, dit Isabelle.
-
On me fait porter la
cassette vidéo, fit Alain.
-
Qu'est-ce que vous voulez
qu'il y ait dessus ? cria Armançon. Ce type a dû
se cacher derrière la porte au
moment où on lui apportait son repas... et il est parti
tranquillement derrière
le dos de son gardien... » Il se tourna furieusement vers
Stoïca. « Il n'y
avait pas de passe-plats, hein ? Il fallait ouvrir la porte,
hein ?
-
Non, dit Stoïca. Il y a un
passe-plats, justement. »
Armançon
resta coi.
«
II a crocheté la serrure,
dit Alain. Un bout de fil de fer qui traînait... »
Personne
ne releva
l'invraisemblance de l'hypothèse. On sonna à la
porte. Isabelle alla ouvrir, et
revint avec une grosse enveloppe. Elle en tira une cassette de
magnétoscope,
qu'elle inséra dans l' appareil. Elle appuya sur
« lecture ». Tous se
penchèrent.
Pendant
un moment, ils ne
virent rien. Puis Armasane passa dans le champ. De nouveau rien.
Armasane
ouvrit la fenêtre et saisit les barreaux. II resta ainsi un
moment, et recula,
disparaissant du champ.
Les
assistants continuaient
de regarder avidement. Une petite forme s'insinua entre les barreaux,
venant de
l'intérieur. Ils se penchèrent pour mieux voir.
C'était une chauve-souris, qui
s'envola et disparut.
La
bande se déroulait
toujours, mais seule était filmée la cellule
vide. Puis la neige envahit
l'écran. Alain arrêta le magnétoscope.
Ils
évitaient tous de se
regarder. Le téléphone sonna de nouveau. Alain
décrocha et écouta un moment.
«
C'est un technicien qui a
installé la caméra, dit- il en raccrochant. II
est entré dans la cellule pour
la vérifier, et il n'y avait plus personne.
-
C'est lui qui l'a fait
évader! hurla Armançon.
-
On est en train de
l'interroger, dit Alain. II nie.
-
Comment s'appelle-t-il ?
demanda Stoïca.
-
Un certain Tudor... comme
la famille anglaise.
-
Tudor est aussi un prénom
roumain », dit Stoïca.
Cette
remarque fit taire
tout le monde.
« Il
faudrait revoir la
cassette, avança Alain. La chauve-souris a dû
entrer, avant de sortir. »
Il
fit passer la bande en
arrière, puis reprit la lecture. À aucun moment
on ne voyait de chauve-souris
entrer dans la cellule.
« Ca
ne veut rien dire,
grommela Armançon. Le champ de la caméra
n'embrasse pas toute la fenêtre. Elle
est entrée par le haut, hors champ, voilà tout.
-
Évidemment », dit Alain.
Ceux
qui étaient encore
assis se levèrent.
« Vous
allez voir, dit
Stoïca. On va tirer les vers du nez de ce Tudor. »
Isabelle
lui jeta un regard
incertain. « Et s'il avoue, pourra-t-on être
sûr qu'il dit la vérité ?
-
Que voulez-vous dire ?
demanda Millaud.
-
Qu'on pourrait avoir
affaire à un nouveau Sturza, amateur de sacrifice... qui
s'accuserait pour...
-
Pour couvrir une
transformation d' Armasane en chauve-souris ? demanda Millaud.
-
Non..., admit Isabelle.
C'est idiot.
-
C'est idiot », répéta
Stoïca.
Isabelle
regardait fIXement
le sol.
«
Qu'est -ce que tu as vu ?
demanda Alain.
-
Rien, répondit Isabelle.
Je pensais seulement que...
-
Quoi?
-
Elsinescu... enfin,
Armasane ne s'exposait jamais au soleil. Quand il y en avait dans le
coin d'une
pièce, il se mettait dans un autre...
-
C'est tout ce que tu as vu
? dit Alain avec un rire légèrement
forcé.
-
C'est tout ce que j'ai vu.
Mais il y a une chose que je n'ai pas vue.
-
C'est quoi ? fit
Stoïca.
-
Son image dans les glaces.
Il s'en tenait toujours éloigné. Comme du soleil.
-
Évidemment, ponctua
Millaud. Ça aussi, ça faisait partie de son
personnage...
-
Évidemment... », concéda
Isabelle.
La
porte s'ouvrit. Parnaud
entra. « On a trouvé, dit-il, le corps d'un
clochard que j'avais arrêté puis
libéré. Un certain Marcel Dubois.
-
Et alors ? grogna Armançon.
-
Il était dans le cimetière
de Belleville. Saigné à blanc. »
Le
silence se fit.
« Il
avait deux trous
au cou. Un râteau les pointes en l'air juste à
côté. n devait être ivre mort et
il est tombé dessus. »
Nouveau
silence.
Parnaud
poursuivit sur un
ton d'évidence un peu forcé: « Il a plu
à torrents. Tout le sang a été
absorbé
par la terre, évidemment...
-
Évidemment, ponctua
faiblement Alain.
-
Ce n'est pas l'évadé
qui... » Parnaud s'arrêta avec un rire artificiel.
«
En tout cas, grogna
Armançon, je vais remettre la main dessus, moi. Et il va
prendre la perpétuité.
»