« Quel mauvais sort semble avoir
été jeté sur l'espèce
humaine ? Pour quelles raisons son impact sur la nature est-il
si
profondement dévastateur et si difficile à
transformer en action
positive ?
Mais
“là où il y a danger, croît aussi ce
qui sauve”, écrivait le poète
allemand Hölderlin. L'espoir naît aujourd'hui d'une
conscience
rapidement croissante de la gravité de la situation et des
efforts
vigoureux pour panser les blessures de la planète.
Peut-être nous
épargneront-ils de figurer un jour sur la liste des
espèces disparues.
L'avenir
de la vie sur Terre est éclairé par les
connaissances que, grâce au
travail des scientifiques depuis des siècles, nous avons
accumulées sur
notre monde. Les galaxies et les atomes nous permettent de mieux
comprendre, et, peut-être, de mieux maîtriser notre
destin. »
H. R.
Dans
ce livre, on trouvera une version remaniée, voire
actualisée, des
chroniques hebdomadaires diffusées chaque samedi sur France
Culture
depuis l'automne 2003.
Auteur(s) :
Hubert REEVES
Références bibliographiques :
Editions du Seuil et France Culture,
2005, 210 p.
Extraits :
38 - L'humanité s'humanise-t-elle? (A)
Une
succession ininterrompue de conflits meurtriers, de guerres et de
massacres, telle est l'impression que laisse un parcours rapide de
1'histoire des nations depuis plusieurs milliers d'années.
Que peut-on
espérer, devant un tel constat, de l'avenir de la
société humaine?
Pour
tenter de réagir à ces sombres
pensées, j'aimerais poser une question
hautement litigieuse: y a-t-il eu, malgré tout, un
progrès dans
l'évolution du comportement humain lorsqu'on l'envisage
à long terme?
On répond généralement:
«oui» sur le plan de la technologie,
«non» sur le plan de la morale.
Je
vais pourtant tenter de démontrer qu'il y a
également progrès sur le
plan du comportement moral. Je me ferai, comme on dit, l'avocat du
diable (expression mal choisie ici : il vaudrait mieux dire
l'avocat de l'ange...). Je prétendrai que 1 'histoire des
hommes, au
travers de ses sombres péripéties, s'est
effectivement accompagnée
d'une humanisation.
Pour en discuter, il convient de prendre du
recul. Je citerai d'abord plusieurs faits qui me semblent
significatifs. Les grands empires historiques depuis quatre mille ou
cinq mille ans (Égypte, Rome) semblent avoir
été largement insensibles
à ce qu'on appelle aujourd'hui les
« droits de la personne »
(de toutes les personnes). Il y a deux mille ans, pendant les jeux du
cirque, des humains s'étripaient et s'entre-tuaient devant
des foules
excitées. Des malheureux étaient
livrés aux bêtes affamées à
la grande
joie des spectateurs. Les prisonniers de guerre étaient
vendus comme
esclaves, ou encore crucifiés et exposés sur la
route triomphale du
« valeureux vainqueur ».
Il y a quelques siècles encore, les condamnés
étaient exécutés en public, par le
feu, par la hache puis la guillotine.
Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, des bateaux
chargés d'esclaves appareillaient pour les
Amériques.
Avec
le siècle des Lumières, la situation change
progressivement. Le XIXe et
le XXe siècle voient l'abolition officielle de l'esclavage,
la
naissance de la Croix-Rouge, la réglementation du sort des
prisonniers
de guerre, l'émancipation des femmes dans un grand nombre de
pays.
Oui,
mais... Il convient ici d'objecter que des formes d'esclavage existent
toujours : main-d'œuvre clandestine, tourisme sexuel, etc.
Selon
une enquête de l'Organisation internationale du travail des
Nations
unies, le trafic d'êtres humains est en augmentation
(près de un
million de personnes par an). Les massacres n'ont pas cessé
(Arméniens,
Juifs, Tutsis, etc.) La condition des femmes reste encore lamentable en
de nombreux endroits: remémorez-vous la situation en
Afghanistan avant
2001. Non seulement l'instruction, mais également 1
'hospitalisation
leur étaient refusées. Ces faits ne sont-ils pas
en contradiction avec
l'idée d'un progrès moral, d'une humanisation de
l'humanité?
Je
dirais que non... Aujourd'hui, ces faits sont connus et
généralement
blâmés à l'échelle
internationale. Les horreurs sont nommées comme
telles par une large fraction de l'humanité. Et
même si les réactions
restent encore trop faibles, ces pratiques sont combattues.
Le tsunami de décembre 2004 a provoqué un
élan de générosité
planétaire.
Plutôt
que d'une amélioration de la morale, il faudrait parler
d'une évolution
de la sensibilité humaine qui rend certaines actions
socialement
inacceptables et, par là, influence les comportements. Il
faut parler
de l'émergence à l'échelle de
l'humanité d'un senti- ment de
compassion, toujours croissant et de plus en plus exprimé.
C'est déjà
beaucoup. Et cela vaut la peine qu'on le mentionne...
pages 149 à 151
39 - L'humanité s 'humanise-t -elle? (B)
J'ai
présenté l'idée d'un
progrès, au long de l'histoire, du comportement
des humains envers leurs semblables. Idée fort discutable,
il est vrai,
mais susciter la discussion est un des buts de ces chroniques.
La
création d'États de droit dans de nombreuses
régions de la planète,
l'abolition de l'esclavage, l' amélioration du traitement
des
prisonniers de guerre, la libéralisation du statut des
femmes sont
autant de manifestations significatives d'une évolution
positive. Et
même si des abus existent toujours, le seul fait qu'ils
soient
largement blâmés est encore un signe de
progrès.
Je voudrais étendre cette argumentation à notre
rapport aux animaux.
Les
associations de protection des animaux ont été
créées il y a un siècle
à peine. Leur nombre croît rapidement et leurs
moyens d'action sont de
plus en plus importants. Les résultats obtenus à
ce jour sont
impressionnants. J'en profite pour signaler que je suis
moi-même le
président de la Ligue Roc pour la préservation de
la faune sauvage, une
association créée en 1976 par le grand humaniste
Théodore Monod.
D'autres organismes cherchent à améliorer le sort
des animaux destinés
à la nourriture. Les élevages intensifs de
poulets en batterie et de
cochons en caissons (si petits qu'ils n'ont même pas la
possibilité de
se retourner) sont progressivement interdits. Les coutumes culinaires
asiatiques qui consistent à battre longtemps les chiens ou
à
ébouillanter les carpes avant de les achever pour en
améliorer la
saveur paraissent de plus en plus révoltantes aux yeux des
consommateurs. Les oppositions exprimées à
l'encontre de
l'expérimentation animale pour les besoins de la
pharmacopée - je ne
veux pas entrer ici dans le débat de sa justification ou non
- en sont
encore des manifestations. La Déclaration universelle des
droits de
l'animal, proclamée le 15 octobre 1978 à
l'Unesco, montre bien
l'évolution de la sensibilité moderne sur cette
question. Même si les
abus sont encore nombreux, le seul fait qu'ils soient
signalés et
désapprouvés va encore dans le sens d'un
progrès.
Pourtant, il
convient de voir la réalité telle qu'elle est. Le
meurtre est inhérent
à la nature. La vie animale en est tout empreinte. Il faut
manger et
éviter d'être mangé. Conseil
pratique : évitez de vous trouver
sans arme face à un lion, il ne vous ratera pas. Il ne
s'agit pas de
nier ce que l'on pourrait appeler, d'une façon tout
à fait
anthropomorphique, la
« cruauté » de la
nature. À ce sujet,
je vous conseille la lecture de « Douce
nuit » de Dino
Buzatti dans son livre Le K, qui en donne des exemples impressionnants.
Notre devoir d'humain est de chercher à la
réduire, Le lion ne sait pas
qu'il peut nous faire souffrir, mais nous savons que nous pouvons le
faire souffrir. Et cela nous donne une responsabilité... Les
Amérindiens s'excusaient avant d'abattre un
animal :
« Désolés, on a faim, c'est
toi ou nous ! »
pages 153 à 155
Ce que j'en pense :
Peut-être un outil de
vulgarisation utile pour qui
ne sait pas encore que l'homme, avec ses industries, ses actions
irréfléchies, pollue, voire
détruit sa planète. Mais, au-delà des
banalités sur les 4x4 et autres mauvais comportements,
l'anecdote
amusante de la rencontre de l'auteur avec les ours (vive la
diversité
au Canada, mais dans les Pyrénées ???), quelles
pistes pour résoudre le
problème ? Pourquoi ne pas dénoncer clairement
les industriels qui
produisent des produits dangereux (4x4, pesticides, ...), certains
politiques, leurs collusions, et mettre tout ce beau monde face
à ses
responsabilités ? C'est vide, décevant.
Vous
me direz peut-être : « ce n'est pas parce
qu'on n'a rien à dire,
qu'il faut fermer sa gueule », soit, mais, tout de
même, lorsqu'on
s'appelle Hubert Reeves, peut-on se contenter de si peu, de la
vulgarisation de vulgarisation, qui plus est sur France Culture !!!
Force m'est de constater que, même avec -ou à
cause d'- un niveau
intellectuel élevé, une formation scientifique
poussée, on peut se
contenter d'une réflexion sommaire pour étayer de
grandes idées. Cela
donne un résultat peu convaincant, qui va à
leur encontre. Une des raisons des limites de la
pensée politique, idéologique,
du moment ?