Et si, après un périple de plusieurs millénaires autour de sa galaxie,
notre système solaire passait enfin la barrière mentale ?
Voila
une bien terrible nouveauté. L'espèce humaine n'y était pas préparée.
Les autres espèces, dotées d'un cerveau si minime soit-il, non plus.
C'est
un grand chambardement. Pensez donc, nous voici libérés d'un seul coup
du champ (magnétique ?) qui inhibait, freinait, le fonctionnement de
nos
neurones. C'est la révolution. Les imbéciles deviennent intelligents,
les intelligents des génies, les génies ... Les animaux domestiques
réfléchissent, se libèrent, refusent, dans la limite tout de même de
leurs intérêts et de leurs chères habitudes.
Bien difficile de décrire de telles nouveautés. L'idée est
intéressante, cela donne un discours un rien confus. Certaine piste
africaine, annonciatrice de développements prometteurs, est rapidement
oubliée. La chute est banale. Un chef-d'oeuvre sans chef ???
Intéressant, mais les limites sont bien vite atteintes lorsqu'on ne
bénéficie pas soi-même des bienfaits de cette libération.
Auteur(s) :
Poul
ANDERSON
Poul William Anderson, écrivain de science-fiction et de fantasy, est
né à Bristol (Pennsylvanie) le 25 novembre 1926. Il est mort le 31
juillet 2001 à Orlinda (Californie).
Références bibliographiques :
Masque, 1974 / Edito-Service SA,
Genève, 1976, 256 p.ditions A contrario, 2005
Extraits :
- Survivre ? Dans quelles conditions ?
- Dans
n'importe quelles conditions. La faculté d'adaptation, la résistance,
la vivacité manuelle, voilà les choses qui comptent le plus.
- Est-ce que la bonté ne compte pas également ? demanda Sheila
timidement.
-
La bonté est un luxe j'en ai peur. Bien qu'il soit certain que ce sont
de tels luxes qui font de nous des êtres humains, répondit Mandelbaum.
Mais la bonté envers qui ? Il est des occasions où on est en droit et
où même on a le devoir de se montrer violent. Il y a des guerres
nécessaires.
- Elles ne devraient pas l'être si les gens avaient en
eux plus d'intelligence, dit Corinth. Nous n'aurions pas eu besoin de
faire la seconde guerre mondiale si Hitler avait été arrêté avant de
franchir les frontières de l'Allemagne. Une seule division aurait put
suffire à le contenir. Mais les politiciens étaient trop aveugles et
trop stupides pour prévoir...
- Non, dit Mandelbaum. C'est tout
simplement qu'il y avait, à ce moment, des raisons qui faisaient qu'il
n'était pas opportun, dirons-nous, de lever cette division. Et
quatre-vingt-dix-neuf pour cent des êtres humains, toute abstraction
faite de leur intelligence, choisiront la solution opportune au lieu de
choisir la solution raisonnable, tout en se leurrant de l'illusion
qu'il sera possible d'échapper aux conséquences. C'est dans notre
nature. Le monde est plein de vieilles haines et de superstitions, et
il y a tant de gens qui admettent et tolèrent ces sentiments, que c'est
encore un prodige qu'il n'y ait pas eu davantage de guerres et de
massacres au cours de l'histoire. (Sa voix se fit plus amère.)
Peut-être que les gens pratiques, ceux qui s'adaptent, ont raison après
tout. Peut-être que la chose la plus morale à faire est de songer
d'abord à soi-même.
pages 50 – 51
Et
soudain, presque en une seule nuit, voici que l'intelligence humaine
avait explosé pour se trouver projetée vers des sommets fantastiques.
Un monde entièrement nouveau s'était ouvert aux yeux de l'homme, rempli
de visions, de concepts, de pensées qui bouillonnaient en lui de façon
spontanée. Il avait vu l'inanité de sa vie sans objet, la trivialité de
son travail, l'étroitesse des croyances et des conventions régissant
son existence – et il avait abandonné tout cela.
page 81
- Oh ? (Le ton de l'homme était froid.) Je regrette, mais nous
n'administrons plus les choses sur une base monétaire.
Brock fit un effort pour lever les yeux.
- Pourquoi ? Le gouvernement national s'est effondré ?
-
Pas exactement. Il a simplement cessé de compter. (L'homme secoua la
tête.) Nous avons eu la pagaille ici au début, mais nous avons tout
réorganisé sur des bases rationnelles. Maintenant, tout va à peu près
bien. Il nous manque encore certains produits qu'on ne pourrait se
procurer qu'en faisant appel à l'extérieur, mais nous serions en mesure
de continuer ainsi indéfiniment si besoin était.
- Une économie socialiste ?
-
Plus que cela, puisque le socialisme était encore fondé sur l'idée de
propriété. Mais que signifie en réalité le fait de posséder une chose ?
Cela signifie qu'on peut en disposer à sa volonté. Partant de cela, il
y a bien peu de chose qu'on possède réellement de par le monde. Le
sentiment de force et de sécurité lié à la notion de possession était
essentiellement trompeur. Il ne servait qu'à une sorte d'estime de soi
devenue maintenant inutile. A quoi bon s'accrocher à une parcelle de
sol, quand sa fonction économique peut être mieux exploitée d'une autre
façon ? C'est pourquoi la plupart des fermiers sont venus se
fixer
en ville, en occupant les maisons précédemment désertées par ceux qui
avaient choisi de quitter le pays.
pages 105 - 106
« Qu'est-ce
que le monde ancien a offert à 90 % de l'espèce humaine ? Le labeur, la
fatigue, la maladie, l'ignorance, la guerre, l'oppression, la peur, de
la naissance à la mort. Ceux qui étaient nés coiffés pouvaient se
remplir la panse et avoir des jouets avec lesquels s'amuser, mais il
n'y avait quand même pas d'espoir en eux, pas de vision d'un but à
atteindre. Le fait que toutes nos civilisations, l'une après l'autre,
soient tombées en ruine prouve que nous étions incapables de les faire
durer ; nous étions de par notre nature des sauvages.
pages 233 - 234